Histoire de Sainte Geneviève
Nous avons rassemblé dans cette histoire de Sainte Geneviève, les fragments de la vita (sa vie écrite 18 ans après sa mort sur ordre de la reine Clotilde) qui nous sont parvenus en particulier par l’ouvrage de Bruno KRUSCH publié à Hanovre en 1896 ainsi que par les différentes sources regroupées dans notre bibliographie.
On ne saurait comprendre sa vie en l’isolant de son contexte politique et religieux. C’est pourquoi le lecteur pourra afficher simultanément au texte normal un bref de l’histoire du Vème siècle vu par les Burgondes,les Romains ou les Wisigoths. Il pourra également accéder en ligne aux généalogies mérovingiennes, burgondes, franques, romaines, wisigothes et ostrogothes qui ne sont pas non plus inutiles à la compréhension des liens entre les personnages. Lutèce est une ville marchande à l’origine grâce au passage qu’elle offrait pour traverser la Seine en s’aidant des lits multiples et réduits qu’empruntait le fleuve. C’est devenu une ville administrative qui, fortifiée dans l’Ile de la Cité, avait servi de villégiatures à plusieurs empereurs. La Lutèce romaine, 5000 habitants, a changé de nom au milieu du 4ème siècle, marquant ainsi son indépendance du pouvoir romain, tout en conservant ses institutions. Au centre d’un vaste jeu de Go européen à la veille de l’éclatement de l’empire romain d’occident, Lutèce sous l’impulsion de Geneviève, s’apprête à devenir Paris la capitale des Francs mais aussi et surtout à donner l’impulsion religieuse qui débouchera sur les congrégations et l’université. Cet éclatement de l’empire a vu, provisoirement, les patrices devenir ‘Roi’ d’un territoire couvrant le nord de la Loire au delà de Paris et que conquerera Chilpéric.
Enfin, pour améliorer la compréhension des différentes situations, un ensemble cartographique a été mis en ligne, à la disposition du lecteur.
Contexte historique du début du Vème siècle
En ce début du 5ème siècle, le peuple d’Ile de france vit la fin fin d’une période d’ordre sinon de paix où de grandes familles patriciennes ‘gauloises’ ont épousé le mode de vie romain. Les gaulois sont intégrés. Mais, autour, beaucoup de choses ont changé depuis que Constantin a légalisé la foi catholique en 313, suivi par Théodose, l’empereur d’orient en 392. Il va de soi que la pratique religieuse chrétienne a divergé dès après ces dates puis après la séparation politique des deux empires et donc bien avant le schisme entre catholiques et othodoxes.
Au nord-est, les Francs achèvent leur organisation en tribus indépendantes et Clodion leur roi, arrière-grand-père de Clovis, rassemble les Ripuaires et les Saliens. Ils sont athées alors que les Bourguignons ont épousé l’arianisme en même temps que les Wisigoths qui occupent un très vaste territoire de la méditerranée à la Loire en incluant Clermont-Ferrand et la Limagne. Ce siècle voit vivre également des personnages peu connus, faiseurs de rois, comme Ricimer, mort en 476.Les rois francs ne se dressèrent jamais en ennemis déclarés de la civilisation romaine. Lorsque, vers 431, Clodion s’empara de Tournai, il apparut sans doute comme le successeur, sinon le représentant direct, de l’Empire agonisant. Sous sa conduite, les Francs Saliens se répandirent jusqu’à la Somme, tandis que les Ripuaires occupaient Trèves et tout le pays entre le Rhin, la Meuse et la Moselle, dont le massif de l’Eifel. Sur la côte marécageuse de la mer du Nord, ils n’essayèrent pas de mettre en valeur des terres aussi pauvres et progressèrent vers le sud-ouest. Son fils Chilpéric devint roi des Franc Saliens après avoir été chassé de France et s’être enfuit en Thuringe. A la veille de la naissance de Geneviève, l’empire romain se coupe en deux Orient et Occident à la suite de l’assassinat de STILICON, général romain d’origine Vandale, en 408, douze avant la naissance de Geneviève. Honorius prend en main l’empire romain d’Occident et devient l’allié objectif d’Attila et des Huns contre l’empire d’Orient.
C’est en 407 que les Vandales, poussés par les Huns, avaient franchi le Rhin gelé dans la nuit de la Saint-Sylvestre, défendu par les Francs ripuaires. Godégisel, le roi Vandale meurt dans la bataille. Ils vont piller la Gaule pendant deux ans puis passeront les Pyrhénées vers l’Espagne en 409.
En 410, c’est le tour des invasions Wisigothes en Gaule méridionale. Le Royaume Vandale de Carthage durera toute la vie de Geneviève de 439 à 533. En Italie, les romains font face aux attaques répétées des Ostrogoths, prenant Rome et obligeant la cour à se réfigier à Ravenne fortifiée.
L’enfance de Sainte geneviève (420-440)
Née vers 420, elle est la fille de Severus, un franc romanisé, militaire puis magistrat municipal parisien, après son retour à la vie civile et d’une franque nommée Géronce. Citoyenne romaine habitant Nanterre, fille unique, elle était obligée, de par le code juridique romain publié par Théodose II en 438, d’exercer la charge de son père, ce qui lui donnait déjà une autorité sur ses concitoyens.
Geneviève se fait remarquer dès son plus jeune âge par un évêque en mission apostolique d’évangélisation, le prestigieux évêque Germain d’Auxerre, qui, parti de sa ville sur l’ordre du Pape, pour aller combattre en Angleterre l’hérésie du Breton Pélage, avait fait halte à Paris. Mû très probablement divine par une inspiration du Saint-Esprit, le grand évêque, après avoir interrogé la petite Geneviève, âgée d’environ huit ans, lui propose de se consacrer au Seigneur. Celle-ci lui ayant confirmé que c’était là son vœu le plus cher, le saint évêque lui donna alors comme souvenir de cet engagement solennel, une piécette de monnaie ornée d’une croix, l’invitant à la porter comme unique bijou, toute sa vie durant. Voilà certes l’épisode le plus miraculeux de l’enfance de cette jeune fille prédestinée, que cette vocation qui se confirmait dans la joie d’une rencontre inespérée, avec l’un des évêques les plus saints de la Gaule d’alors : épisode bien plus miraculeux peut-être que le miracle dont, quelques mois plus tard sa mère Gérontia fut l’heureuse bénéficiaire .
En 429, saint Germain d’Auxerre, partant pour la grande Bretagne pour y combattre l’hérésie pélagienne, la rencontra à Nanterre et lui proposa de se consacrer à Dieu, ce quelle accepta. Germain ordonna donc Geneviève, qui,devenue consacrée, reçut le droit d’ instruire les femmes et de posséder la clef du baptistère de la cathédrale de Paris située dans lie de la Cité. Conscients de l’infériorité culturelle de leurs sujets, les rois francs ne se dressèrent jamais en ennemis déclarés de la civilisation romaine. Lorsque, vers 431, Clodion s’empara de Tournai, il apparut sans doute comme le successeur, sinon le représentant direct, de l’Empire agonisant. Sous sa conduite, les Francs Saliens se répandirent jusqu’à la Somme, tandis que les Ripuaires occupaient Trèves et tout le pays entre le Rhin, la Meuse et la Moselle. Sur la côte de la mer du Nord, région qu’une puissante transgression marine avait transformée en un vaste marais salin, les Francs se contentèrent d’établir une fenêtre d’expansion; ils n’essayèrent pas de mettre en valeur des terres aussi pauvres.
Dès après la première visite de l’évêque Germain d’Auxerre, eu lieu l’épisode du premier miracle de Sainte Geneviève avec sa mère recouvrant la vue. A la mort de ses parents vers 440, Geneviève hérite de son père la magistrature de Paris, vient habiter chez sa tante et démenage de Nanterre.
Geneviève en butte au mépris de son entourage est honorée une deuxième fois publiquement par Saint Germain.
Favorisée intérieurement de grâces mystiques extraordinaires, Geneviève n’en était pas pour autant en odeur de sainteté auprès de ses contemporains souvent jaloux ou incrédules face à de tels privilèges. Il ne fallut ni plus ni moins qu’une deuxième visite de l’évêque Germain d’Auxerre, à nouveau de passage à Paris avant de s’embarquer pour une deuxième mission en Grande-Bretagne, où le pélagianisme s’étendait , pour lui rendre un hommage public éclatant. S’étant rendu chez la petite fille qu’il avait distinguée seize ou dix-sept ans auparavant, il vit que le sol était tout humide .Comprenant qu’il s’agissait d’un phénomène mystique, le saint évêque reconnut l’effet de ce précieux don spirituel très respecté et même recherché à l’époque, puisqu’il était même d’usage de le demander dans des oraisons : le don des larmes. Témoignant à la jeune fille un profond respect , lui parlant même avec révérence, le saint évêque, dont la renommée avait crû au point d’en faire l’évêque le plus illustre de la Gaule admonesta la foule des curieux qui étaient venus l’entourer, les engageant à traiter leur jeune compatriote avec le plus grand respect.
Vers l’âge de vingt ans se place, peu après son admission dans les rangs des vierges consacrées, et la mort de ses parents, survenue depuis peu, un événement bien connu des mystiques, et qu’ a connu , au moins partiellement, Sainte Thérèse d’Avila : Geneviève, quittant son village natal de Nanterre était venu habiter à Paris chez sa « marraine » spirituelle, tomba gravement malade, au point de sembler morte pendant trois jours. Une fois sorti de son coma, elle révéla qu’un ange la prenant par la main, lui avait fait visiter le Ciel et l’Enfer ! Détail révélateur de son cœur embrasé d’amour pour Dieu et ses frères : nourrie de cette double expérience extraordinaire, loin d’abuser de sa connaissance surnaturelle de l’au-delà, loin de chercher à terroriser les mécréants ou les tièdes par des récits horrifiants, elle insistait surtout sur le bonheur, absolument inimaginable à l’esprit humain, qui attend les bons dans le Paradis.
Selon la vie de sainte Geneviève, il y avait dans la Cité un sanctuaire consacré à Saint Denis, où elle passait avec ses compagnes les vigiles du samedi au dimanche.
Le retournement d’alliance d’Attila
Mérovée succéda à Clodion – probablement par la filiation – et résidait à Tournai quand lui parvint la nouvelle que les Huns, qui jusqu’alors avaient fourni des mercenaires aux Romains, se ruaient en envahisseurs sous le commandement d’Attila.
Les Huns, après avoir vaincu les Goths en 375, avaient consolidé leur empire en Europe de l’Est avec l’appui de l’Empereur de Constantinople. Né en 395, Attila, prince barbare par l’ambition et la cruauté, mais fin lettré parlant le grec et le latin qu’il avait appris à la Cour de Constantinople même,était un stratège d’une redoutable habileté, et lorsque le bruit courut, en 451 , qu’il avait pénétré en Gaule, une véritable panique s’empara des Parisiens. Ils s’apprêtaient à fuir avec tous leurs biens quand Geneviève, pressentant par intuition divine plus qu’humaine, que les Huns dédaigneraient cette ville peu importante qu’était alors Paris, exhorta les hommes à rester, leur promettant la vie sauve.Dans le même temps, elle rassemblait les femmes, c’est-à-dire à peine une vingtaine de personnes, pour les inviter à prier et , telles de nouvelles Esther et de nouvelles Judith, s’armer de courage et de foi envers le Seigneur . Il n’en fallut pas davantage pour exaspérer la jalousie des maris humiliés par le courage de cette faible et sotte femme, la colère rentrée des sceptiques et de lâches, la méfiance des mauvais, qui résolurent de la lapider. Seule l’intervention d’un archidiacre d’Auxerre, porteur de présents envoyés par l’évêque Germain, et arrivé miraculeusement au bon moment, empêcha la foule des peureux en colère d’exterminer la sainte dont l’attitude était un reproche vivant pour leur manque de foi. La ville-cible des attaques de l’intelligent et redoutable chef de guerre, Orléans, devait, elle aussi être sauvée par l’Eglise, en la personne du courageux évêque Saint Aignan. En 451, les hordes de Huns, auxquelles s’étaient joints des Francs originaires du Neckar, franchirent sans difficulté le Rhin et se dirigèrent vers lé sud-ouest. Heureusement, dans les Champs catalauniques de Champagne, une armée de coalition commandée par le Romain Aetius et comportant un important détachement franc placé sous les ordres de Mérovée, arrêta la progression du Fléau de Dieu. Après deux journées de combats acharnés, Attila décampa en hâte et repassa le Rhin. En 451 les Huns menacèrent brusquement la Gaule d’une invasion. Devant la panique, Geneviève réunit les femmes au baptistère pour les mettre en prière, et voyant s’ organiser l’ exode, elle interdit aux hommes de quitter la ville affirmant que les Huns ne passeraient point par Paris. Effectivement Paris fut épargné et Geneviève devint quasiment la seule autorité et le seul espoir des populations du centre du bassin Parisien. Qu’allait faire Geneviève seule dans Paris, suivre le roi Euric et ses Wisigoths ariens, le roi Odoacre, arien mais romain, ou les rois Burgondes ariens eux aussi ? Pour mieux confirmer sa foi catholique et grâce à sa position éminente dans Paris, elle lança alors le culte de saint Denis. Comme elle recevait chez elle les prêtres de Paris, elle parvint à les convaincre d’ ériger une basilique à l’ emplacement du tombeau du premier évêque de Paris martyre décapité vers 250. Elle fit lever un impôt, surveilla et dirigea l’ édification du bâtiment. De plus en créant ce sanctuaire, Geneviève lançait une pratique religieuse anti-arienne.
Elle fit ensuite un voyage à Laon probablement pour rencontrer Childéric, le père de Clovis, où elle y fut reçue en magistrat municipal de Paris. Elle dut lui demander son intervention pour préserver la paix publique. Ainsi elle était en relation avec Childéric qui avait une véritable vénération pour elle.
Théodoric le Grand , roi des Ostrogoths ariens qui régnait à Ravenne , avait formé le projet d’un Occident gothique et arien dont il eût été le guide , à cet effet , il épousa Alboflède ( la sœur de Clovis) et avait marié l’une de ses filles à Alaric II roi des Wisigoth et une autre à Sigismond fils et héritier de Gondebaud roi des Burgondes. Dans la famille royale Burgonde, les parents de Clotilde étaient adeptes de la foi ‘orthodoxe’ ainsi que l’épouse du roi Gondebaud tandis que tous les autres avaient épousé l’arianisme. Chez les Wisigoths, en aquitaine Wisigothique, Euric ( 466-484 ) voulut émanciper complètement son royaume de Rome. Alaric II allant même jusqu’à exiler les évêques qui s’obstinaient à tenir tête aux ariens en publiant des réfutations de l’hérésie. Ainsi, l’exaspération finit lentement par monter et les francs, après le baptême de Clovis, furent ardemment désirés.
De la mort d’Attila (453) à la fin de l’Empire Romain(476).
En 455, Aetius se fit poignarder par des officiers de Valentinien III. Le général Ricimer prit sa suite à Rome, tandis que son fils, Syagrius, prit le commandement des forces romaines en Gaule du nord. En effet, c’est à partir de cette date que l’on peut considérer le nord de la France (ou de l’empire romain) coupé du sud. Dans le même temps, l’autorité administrative restait dévolue en Gaule du nord au Préfet Aegidius. Celui-ci, allié aux Francs avait fait sécession à la mort de Majorien en 461. Barbare et païen, Childéric, père de Clovis, est aussi un officier romain parmi les plus fidèles. Il fut enseveli dans le paludamentum, le manteau pourpre brodé d’or des généraux romains, portant l’anneau sigillaire (marqué de l’inscription Childeric regis, le roi Childéric), la fibule cruciforme et la cuirasse d’or, insignes distinctifs des dignitaires de l’Empire Romain d’Occident.
Gondebaud, l’oncle burgonde de Clotilde, mettant à profit la crise politique qui secouait alors Constantinople, fit proclamer auguste Glycérius en 472; celui-ci fut bientôt destitué (474), Gondebaud renvoyé, mais son oncle, le roi Chilpéric, qui avait succédé à Gundioc, restait de fait le représentant de l’Empire romain en Gaule. Gondebaud succéda à Chilpéric, père de Clotilde, vers 480. Par une politique d’alliances matrimoniales, il tâcha de protéger son royaume des ambitions de Théodoric, en mariant son fils Sigismond à une fille du roi Ostrogoth, mais il n’est pas certain qu’il ait consenti à ce que sa nièce Clotilde épousât Clovis (vraisemblablement en 493).
L’histoire de son règne peut se diviser en deux parties : la période belliqueuse, toute remplie des luttes dont nous venons d’énoncer l’origine et les résultats ; la période pacifique, consacrée à l’organisation administrative et judiciaire du royaume de Bourgogne. C’est dans cette dernière surtout qu’il faut chercher les titres de Gondebaud aux souvenirs de l’histoire ; il compléta, dans un esprit remarquable de justice et d’humanité, l’oeuvre commencée par son père ; il réunit ses ordonnances modifiées et les édits nombreux qu’il rendit lui-même dans une espèce de code devenu célèbre sous le nom de Loi Gombette. Ce règne, pendant lequel l’agriculture fut puissamment encouragée, les ruines des villes relevées, d’innombrables établissements ecclésiastiques fondés, marque l’apogée de la monarchie de Gondicaire.
Clotilde, seconde fille de Chilpéric, un des frères de Gondebaud, qui avait eu en partage Genève, la Savoie et une partie de la Provence, après avoir échappé au’ massacre de sa branche vaincue et dépossédée par son oncle, était devenue la femme de Clovis, chef des Francs. Cette princesse poursuivit avec une persévérance infatigable l’œuvre de vengeance qu’elle semblait s’être imposée, usant de toute l’influence qu’elle exerçait sur son époux pour l’armer contre son oncle, suscitant les scrupules du clergé de Bourgogne contre l’arianisme qu’avait embrassé Gondebaud, éveillant toutes les convoitises, envenimant toutes les haines contre celui dont elle s’était promis la perte. Gondebaud déjoua toutes les intrigues, repoussa toutes les attaques et lassa pour un temps cette implacable hostilité.
Geneviève et Clovis
En 476, Syagrius, fils du général Aetius, avait pris la succession du comte Paul,et s’était allié aux Wisigoths en délaissant les Bourguignons alliés de son père et des Romains. A la mort de Childéric, son père, en 486, Clovis prend la tête des Francs Saliens. Geneviève admire les Francs Saliens parce qu ‘elle retrouve chez eux les traits de son caractère. Ils sont comme elle, inébranlables et téméraires. Ses rencontres avec les Francs saliens ne sont pas clandestines et elle reconnaît que l’Empire romain d’Occident est sur le point de disparaître. Elle sait que les Francs de Childéric, par leur discipline, leur nombre, leur connaissance de la Gaule auront bientôt un destin national. Son rôle est tracé, elle servira d’ intermédiaire de négociatrice entre Lutèce et Childéric dont elle peut témoigner de l’ amitié fidèle et même respectueuse tout en demeurant l’ alliée d’Aégidius. Les Francs ne provoquent pas dans la population parisienne de peur, ni même d’ angoisse. Lutèce reçoit depuis longtemps leur visite. Geneviève préfère donc ces Francs païens aux hérétiques ariens car elle sait qu’ils seront plus faciles à convertir un jour à la vraie foi.
Suite à sa victoire sur Syagrius, à Soissons en 486, dernière enclave ‘romaine’ en Gaule, Clovis entreprend le pillage de l’Ile de France entre l’Oise et la Loire. Cette situation durera une dizaine d’ années. Elle permettra à Clovis et aux Francs de s’introduire lentement au sein de l’ ancien royaume romain, de vivre sur lui et profiter de ses richesses. La cité Parisienne est convoitée par Clovis qui en saisit l’ importance stratégique et commerciale. Soissons apparaît de plus en plus au chef des Francs comme une ville excentrique par rapport à la position plus centrale de Lutèce. Il ne peut la négliger dans ces plans de conquête, mais il sent bien que la ville lui résistera même si son père y a résidé, même si lui -même y a séjourné plusieurs fois, même si Geneviève peut jouer un rôle d’ intercesseur.Étrangement Lutèce et Geneviève, l’ une et l’ autre, se ferme à toute compromission avec Clovis, dés lors que ce dernier n’ a pas respecté, comme l’ avait fait Childéric 1er, l’ indépendance de la vaste enclave romaine en Gaule. Geneviève, première autorité de la ville, à décidée d’ interdire aux Francs de Clovis de pénétrer dans la ville.
Dans la Gaule gallo-romaine en proie à l’anarchie du fait de la déliquescence du pouvoir impérial romain, le roi franc Childéric, père de Clovis, se comporte souvent en chef de mercenaires au service des Romains, mais jouissant d’une indépendance grandissante à leur égard. Il n’est pas indifférent de constater que ce petit souverain a une immense vénération pour Geneviève, qui, un jour, ira implorer sa clémence envers deux prisonniers de guerre qu’il voulait faire décapiter. Son fils Clovis, héritier de la puissance de plus en plus grande de son père, entreprend la conquête de la Gaule toute entière . Comprenant la valeur de la ville de Geneviève, où celle-ci, depuis qu’elle a guéri les Parisiens de leur peur et de leur manque de foi, jouit d’un immense prestige, il assiège Paris pendant dix ans. Pour Geneviève, il est hors de question de laisser entrer en maître dans sa ville un roi païen, même si, par l’intermédiaire de la reine Clotilde, catholique et dernier rejeton du massacre perpétré par son oncle, prince burgonde arien, contre ses parents, la grâce fait lentement son œuvre… Aussi, en attendant le miracle que sera la conversion de Clovis et son baptême à Reims, Geneviève, s’armant elle aussi de patience, mais en plus et surtout de son courage et de sa foi, organise à ses frais ( elle a hérité de ses parents une grande fortune ) un convoi fluvial de ravitaillement en direction de ses terres d’Arcy-sur-Aube. Revenue à Paris, elle organise en bonne gestionnaire une distribution des céréales, qui ont pu franchir sans dommage le blocus franc, vendant aux riches, donnant aux pauvres.
C’est donc une cité en armes, fortifiée, aux ponts incendiés et coupés qui fait face aux Francs. Clovis pendant 10 ans l’ investira en vain. Certes le siège n’ est point serré, les Francs campent sur les rives droite et gauche, mais ne tentent jamais l’assaut de la cité, pas plus qu ‘ils ne s’ opposent au ravitaillement rationné de la cité. Lutèce et considérée par Clovis comme le futur plus beau fleuron de son royaume et il n’ entend pas la dévaster et la piller. Il n’ignore pas l’exigence principale de Geneviève en échange de la reddition de la ville, sa conversion et celle de tous ses guerriers au christianisme.
Vers 493, Clovis épousa Clotilde, nièce catholique de Gondebaud, tandis que, en 492, sa sœur Audoflède avait épousé Théodoric, alors en guerre contre Odoacre auquel il disputait Ravenne, siège fortifié des restes de l’Empire Romain.
Geneviève, résolument anti-arienne, veut la ” fin de la guerre civile ” et la “conversion du Roi des Francs “. Fille elle-même d’un Franc elle sait que cette conversion est possible. Ce premier point fut appliqué grâce à ses interventions systématiques auprès de Childéric puis de son fils Clovis pour leur arracher littéralement la grâce des prisonniers de guerre gallo-romains coupables de collaborer avec les Wisigoths.
Le deuxième point commença à devenir réalité, lorsque Clotilde, princesse catholique Burgonde, épousa Clovis. Dés lors les 2 femmes allaient renforcer mutuellement leur action pour une transformation complète du nord de la gaule et la défaite de l’arianisme. La nouvelle de la conversion de Clovis, de ces officiers et soldats en 499 à Reims a déjà fait le tour du royaume Franc, elle a été reçue à Paris avec enthousiasme et par Geneviève avec joie. Désormais, rien ne s’ oppose à ce que le roi des Francs entre solennellement dans la ville des Parisiens.
En 494, alors qu ‘il rentre à Soissons (de retour de Burgondie où il a aidé Godegisèle à combattre son frère Gondebaud, Clovis apprend la mort de son nouveau né Ingomer que Clotilde à fait baptiser. Cet événement tragique rend Clovis plus coléreux, plus impatient. Il ne supporte plus la résistance de Lutèce et celle de Geneviève qui veille sur les remparts de la cité. Il ordonne un renforcement du siège. Tout le territoire de la cité fut menacé de famine, alors on vit Geneviève réquisitionner onze bateaux, remonta le fleuve et put faire acheminer le blé nécessaire à la population parisienne. De retour dans sa ville, elle surveilla la fabrication du pain, le fit vendre à ceux qui en avaient les moyens, et distribuer gratuitement aux pauvres. Véritable maîtresse politique et religieuse de Paris, elle s’était montrée capable de briser l’embargo de Clovis, roi des Francs, sans se mettre en désaccord avec lui. Vers 499 éclata un conflit entre Gondebaud et son frère Godégisèle (ou Godégisile), roi de Genève, qui s’allia aux Francs de Clovis. Battu, Gondebaud fut assiégé dans Avignon (500), mais l’approche des armées d’Alaric II amena vraisemblablement Clovis à lever le siège, abandonnant Godégisèle, qui fut exécuté (501). Gondebaud reprit possession de son royaume en 502. C’est à ce moment qu’il publia la loi gombette, dont le but politique était de contribuer à l’unification de la Burgondie après la grave crise qu’elle venait de traverser. Gondebaud s’allia à Clovis contre Alaric II, et une armée burgonde commandée par Sigismond,son fils, prit part à la bataille de Vouillé (507). Mais Théodoric attaqua à son tour les Burgondes, qui perdirent le sud de leur royaume. Gondebaud avait poursuivi la politique de tolérance religieuse de Chilpéric, même s’il renonça à se convertir, et à sa mort, le royaume burgonde, très fortement romanisé, se trouva aux mains de son fils, roi catholique, Sigismond. Les Burgondes sont chrétiens, mais ralliés à un courant hérétique, l’arianisme. Au début du VIe siècle, Sigismond, fils du roi Gondebaud, adhère au catholicisme. Il fonde un des couvents les plus célèbres de la Suisse, l’abbaye de Saint-Maurice en Valais.
Mort de Geneviève
Geneviève décéda en 502, elle fut enterrée à Paris dans un cimetière suburbain existant, devenu quartier de la Montagne Sainte Geneviève. Clovis y fit édifier, avec Clotilde, la basilique des Saints-Apôtres sur la tombe même de Sainte Geneviève . C’est dans l’église saint Etienne du Mont, à Paris, qu’une châsse abrite les restes de sainte Geneviève, perpétuant le souvenir de celle qui par son calme et sa foi sauva Lutèce du péril d’Attila.
Liens
Textes latins des Chroniques de Saint-Denis
Histoire du Bas Empire Romain de BURLAT, 1923
Histoire critique de l’établissement de la monarchie française dans les Gaules
Références bibliographiques générales
Daniel-Rops, L’Église des Apôtres et des Martyrs, Plon
André Piganiol, L’Empire Chrétien, PUF, 1972
Ivan GOBRY, Les premiers rois de France, Tallandier, 1998