Bienvenu sur le site de Sainte Geneviève
ACTUALITES MILITAIRES 1991 Au cours des cérémonies de la fête de Sainte Geneviève, patronne de la gendarmerie, et à l’occasion du bicentenaire de l’adoption de l’appellation «gendarme» ainsi que du huitième centenaire de la création de ce corps, le capitaine Sinteff, chef du détachement prévôtal de Berlin, a retracé l’historique de la Prévôté. Les Gazettes de Berlin n°566 et 567 publient cet exposé. Comme pour toutes les activités de la gendarmerie, il est indispensable de remonter aux sources, c’est-à-dire au Moyen-Age, de jeter un regard sur l’entourage royal de l’époque et de s’intéresser plus particulièrement aux sergents-d’armes, pour y trouver les origines. Les chroniques citent, pour la première fois, leur présence lors de la 3e croisade, au siège de Saint Jean d’Acre, en 1191. Les sergents-d’armes placés, alors, sous l’autorité du sénéchal, constituent les gardes du corps du roi et sont déjà pourvus de quelques attributions judiciaires. Il est rapporté que leur vigilance permet de déjouer un attentat que Saladin 1er , le sultan d’Egypte et de Syrie, préparait contre les personnes de Philippe Auguste et Richard Cœur de Lion. Au retour de la croisade, Philippe Auguste conserve cette petite troupe dévouée et lui confie en permanence sa sécurité. 24 ans plus tard, c’est-à-dire en 1214, nous retrouvons nos sergents-d’armes à la Bataille de Bouvines où leur comportement exemplaire est déterminant pour l’issue de la bataille. Après la victoire de Bouvines, les sergents-d’armes, aux ordres du sieur d’Estaing, se placent sous la protection de Sainte Catherine (je dis bien Catherine, et non Geneviève}. Après la disparition du dernier sénéchal, les sergents-d’armes, déjà appelés prévôts, se trouvent placés sous l’autorité du connétable. Ils participent très activement à l’œuvre du roi de centralisation du pouvoir au détriment des seigneurs, souvent plus puissants que lui. Pour ce faire, l’objectif est d’éviter les nombreuses guerres privées que se livrent les féodaux entre eux et de les soumettre au roi. Un moyen d’y parvenir est de faire appliquer les solutions préconisées par l’Eglise, à savoir : «La paix de Dieu» (qui consiste à laisser le clergé en dehors des conflits} et la trêve de Dieu (qui interdit les combats les dimanches et jours fériés). Les prévôts sont également chargés de régler les «points d’honneur» entre nobles qui conduisaient souvent au duel. Les qualités requises pour exercer la charge de prévôt sont : l’habileté aux armes, la discipline et surtout l’honnêteté, car les chroniques rapportent que le roi ne souffre de ses prévôts ni comédie, ni chansons, ni instrument de musique et qu’il chasse ceux qui jurent ou, pire encore, ceux qui tombent en état de péché mortel. Arrive la guerre de Cent Ans, et de nouvelles tribulations guettent les prévôts. En effet, à cette époque, du moins au début de la guerre, l’armée n’est pas permanente.Le roi lève des troupes selon ses besoins, pour quelques jours, pour quelques semaines, au plus pour quelques mois et les renvoie à l’issue des campagnes. Ces soldats aux mœurs agrestes ne rejoignent malheureusement pas tous leurs villages mais se constituent en bandes qui, à l’occasion de leurs funestes chevauchées, volent, violent, bref sèment la mort et la désolation au sein des populations. La justice ordinaire se révèle et s’avoue vite impuissante. Seuls font preuve d’efficacité les prévôts secondés de leurs sergents à cheval ou à pied. Il est vrai que le pouvoir du juge botté est redoutable et redouté. Il s’étend sur tous les gens de guerre, chevaliers et sergents, nobles et roturiers. Ses sentences sont rendues en dernier ressort, c’est-à-dire sans appel. Elles ne sont précédées d’aucune procédure écrite (c’est là l’origine du procès-verbal) et se traduisent le plus souvent par la pendaison ou la noyade. Le prévôt exerce sa justice selon la devise «non sine numine» qui signifie «non sans autorisation divine» (il faut se souvenir que toute autorité dérive de Dieu dans le contexte de l’époque). A cette étape précise de l’histoire, je me dois de citer l’existence d’un prévôt très spécial et truculent appelé le Roi des Ribauds. En effet, le roi l’a chargé de régner sur les marginaux fréquentant le palais ou ses quartiers lors de ses campagnes. Il s’agit d’un véritable souteneur qui perçoit des redevances sur les jeux, sur les alcools et même sur le «commerce charnel» (comme on disait alors) pratiqué par les prostituées. Dans ce contexte particulier, il n ‘est pas étonnant que plusieurs prévôts aient été écartés pour être tombés, justement, en état de péché mortel. A la fin de la guerre de Cent Ans, les choses s’arrangent un peu : l’armée devient permanente, et malheureusement, l’impôt pour son entretien aussi, je veux parler de la Taille. Entre-temps, avec la suppression de la charge de connétable, la justice prévôtale est placée sous l’autorité du maréchal de France et l’appellation «Maréchaussée» sera rapidement synonyme de «Prévôté». Pour faire face à ses missions croissantes dans le domaine judiciaire. Louis XI permet aux Prévôts des Maréchaux de commettre en chaque province un gentilhomme pour le représenter. Il s’agit du «locum tenans», qui devient, tout naturellement, le lieutenant, assisté de plusieurs archers avec pour mission de s’opposer aux vagabonds, mécréants et autres gens sans aveux. C’est l’amorce de la territorialisation de la gendarmerie. Avec François 1er, les missions de justice prévôtale extraordinaire ne cessent de s’accroître aux dépens de la justice civile ordinaire. A titre d’exemple, en 1532, pouvoir est donné aux prévôts de contrôler les prix dans les hostelleries, puis, de juger les faux-sauniers, c’est-à-dire ceux qui enfreignent le monopole royal du commerce du sel (souvenez-vous de la Gabelle). En 1545, ils reçoivent pour mission de lutter contre le faux-monnayage. Sous Louis XIV, leurs compétences sont encore élargies. L’ordonnance de 1670, véritable code criminel de l’ancien régime, est prise par Colbert en dépit de l’opposition de Lamoignon, premier président du Parlement de Paris. Elle a le mérite de regrouper tous les cas prévôtaux. Ce n’est qu’avec la Révolution que la justice civile ordinaire reprend ses droits en confinant désormais la justice extraordinaire du prévôt dans ses missions originelles, c’est-à-dire dans le cadre des armées en campagne et de toutes personnes à la suite, à savoir : vivandiers, cantinières, marchands et blanchisseuses. Au seuil du XXIe siècle, après avoir servi le roi sous l’autorité du sénéchal, du connétable, puis du maréchal, après avoir servi l’empereur, le prévôt sert aujourd’hui la République. Devenue “gendarmerie nationale à la révolution de 1789, force militaire au service du bien public, la gendarmerie porte l’aiguillette blanche et le galon d’élite en raison des éminents services rendus au pays. Par la surveillance générale constante qu’elle exerce, elle assure la sécurité et la protection des personnes et des biens. Placé hiérarchiquement sous l’autorité du ministre de la Défense, le prévôt est toutefois, dans sa fonction d’agent de la justice, soumis aux directives du commissaire du gouvernement et au contrôle de la cour de cassation. Les prérogatives du tribunal prévôtal sont, comme vous le savez, équivalentes à celles du tribunal de police, toutefois, il s’agit toujours d’une justice d’exception. Mais, me direz-vous, quel rapport avec Sainte Geneviève ? Il est vrai que nos lointains ancêtres, les sergents-d’armes, se sont placés sous la protection de Sainte Catherine mais il est un fait que la gendarmerie a opté pour Sainte Geneviève, et ce, depuis que le pape Jean XXIII, en 1962, l’a placée sous son patronage. Quelle en est la raison ? Certains disent que Sainte Catherine était trop absorbée par sa tâche protectrice des jeunes filles, d’autres expliquent que Sainte Geneviève apparaît mieux accordée à notre époque par son idéal : simple mais forte, douce mais inflexible. Capitaine SINTEFF, chef du détachement prévôtal de Berlin, Décembre 1991 – janvier 1992.