Poème à Sainte Geneviève de Didier Erasme


 

Nous retrouvons l’ode à Sainte Geneviève composée par Didier Erasme en latin pour la remercier de son intercession au ciel de sa guérison.
Erasme se trouvant étudiant à Paris, hébergé au collège Montaigu qu’occupe actuellement la bibliothèque Sainte-Geneviève (une plaque le rappelle sur la façade), prépara une thèse de théologie à la Sorbonne de 1495 à 1499.
fût pris d’une reprise de fièvre quarte en plein hiver.
Les médecins le condamnaient à une mort certaine à court terme le poussant à invoquer la grande Sainte Geneviève à son secours.
Exaucé, le miracle fut avéré et reconnu de tous.

Source: Pierre Le Juge, La vie de Sainte Geneviève, imprimée à Paris par Henry COYPEL en 1586.
La traduction française reproduite ici a conservé l’accentuation et la ponctation du texte imprimé et l’orthographe n’a pas été corrigée.

TEXTE LATIN

Desiderius ERASMUS: SANCTA GENOVEFA

 

TRADUCTION FRANCAISE PAR PASCHAL ROBIN, Seigneur de FAUX

 

O Saincte Geneviefve, à qui io m’estudie
D’offrir ces vers promis, que mon coeur te dédie,
Favorise mes voeuz, arrosant le canal
De mon esprit tary, tant que d’un chant égal,
A tes mérites saincts, te raconte ton aide.

Donne m’en le pouvoir, toy qui seurement aide
Le peuple qui t’invoque en tous les saincts endroits,
Par où s’entend la foy & sceptre des François.

Mais sur tous celuy-là t’est aymé, par où Seine
Roule ses flots meslez avec la blanche areine,
De Marne, qui l’accroist & l’accolle à travers
Les vergers pommoneux, & parmy les prez vers,
Et entre les coustaux renommés les plus nobles
En fertiles, & beaux, & genereux vignobles:
Et par où ce grand fleuve & superbe & luysant
Va d’un cours plantureux les plaines arrosant,
Qui foisonnent de fruits, & tranchant la contrée
Se haste d’aller faire à Paris son estrée,
Paris chef des citez, où du gauche costé
Ses ondes à l’approche adorent la cité,
Où sur toutes paroit l’Eglise nostre Dame:
Et à coup se fendant les rives il entasme,
Et comme avec deux bras les serre estroitement,
Et d’un dévot repli se fléchist humblement
Devant la vierge mere en sa plaisante islette
Puis retournant à soy d’une course plus preste.

Il vogue aimablement au tres-plaisant terroir,
Où tu nasquis heureuse, en tres-heureux manoir
Dans un petit village heureux par ton issuë,
Où se tournant ondeux en passant il saluë
Le Monastère sainct, sépulchre des grands Rois,
Sacré à Sainct Denis, Apostre des Gaulois,
Par ces vallons retorts il se recourbe & erre,
Et se recostoiant arrose en fin ta terre
Des ondes, qu’il respand des cornes de son front,
Et dirois que les flots à regret s’en revont.

A bon droict les François honnorent tous Nanterre,
Qui faict montre aux passans, au milieu de sa terre,
O saincte, des tonbers, & des sainctes liqueurs
De la fontaine viue & propice aux langueurs:
Mais par sus tous Paris, peuplade nompareille,
Se sent infiniment heureuse par ta veille
Et patronage, ô vierge, où c’est que ta part
Avec la vierge mère un bon heur se départ,
Sans qu’elle soit en rien ialouze qu’avecelle
Tu faces la dedans garde perpétuelle
Là bien hault eslevée à la cyme du mont
Tu descouvres de loing les plaines iusqu’au fond,
Et repousse les maux, qui menacent la France,
Mais icelle au milieu de la ville s’avance
D’embrasser en pitié les habitans piteux,
Oyant les pleurs, & cris des pauvres souffreteux:
Et là comme elle suit son cher fils pitoiable,
Tu l’imites aussi, son espouse amiable.

Tandis, vous défendez ensemble en voeux pareils
les saincts estats unis, le Conseil des Conseils,
Le Parlement sacré, mais sur tout la Province,
Et le Roy tres-Chrestien & tres-Auguste Prince:
Les uns qui sainctement découvrent les secrets,
Au peuple tres dévot, des mystères secrets,
Les autres qui par loix equitables regissent
La ville, où maintes gens, merveille, se pollicent,
C’est donc de vos bienfaicts, qu’on ne voit auiourdhuy
Peuple florir ailleurs au dessus de cestuy,
Mais, ô Saincte, il est temps que ie te remercie
Pour avoir recouvert par tes mérites vie,
Et veux un entre mille & mille retirez
De mort par ton secours, t’offrir ces vers sacrez.

L’hyvernalle frisson d’une fievre infuyable,
Qui le quatriesme jour revient presque incurable,
M’avait desja passé iusqu’au fond des os,
Lors que le medecin, requis pour mon repos,
Me console & promet, que telle maladie
Ne sera qu’ennuyeuse, & sans perte de vie.

Il m’esiouyt autant, que s’il m’eust en effect,
Dict que dans quatre iours ie pendrois au gibet,
Car il me semble advis, que le mal recommence,
Quand après si longs ans i’ai bien la souvenance
Que ce feu langoureux en ma prime verdeur
Me geina tout un an, dont ie n’avais au coeur,
Que désir de la mort, laquelle bien que blesme,
N’est si triste qu’un mal dict du médecin mesme,
Alors, ô saincte vierge, il me souvint de toy,
Et d’un espoir tres-bon ie confirmé ma foy,
Remuant en mon coeur ces secretes pensées:
O espouse de Dieu, qui Luy agrees,
Et qui durant qu’icy ta vie eust si beau cours
Soulois tousiours donner aux malades secours,
Et qui peux ores plus, après que le ciel mesme
T’a donné près de Dieu ta demeure supresme:
Icy, icy regarde, & chasse de mon corps
La lente fievre quarte & la banny dehors:
Rend moy ie te supply, & moymesme à mon livre,
Sans la ioye duquel ie ne sçaurois plus vivre.

Car ie pense qu’il est plus aisé de mourir
Une fois, que fievreux par tant de iours languir:
Mais ce n’est rien qu’icy ie te face promesse,
Aussi tu n’as besoin de nostre petitesse,
Au reste ie chanteray le los de ton bienfaict.

A peine sans parler i’aurois ce voeu parfaict,
Mais sans plus à part moy au secret de mon ame,
Ie diray grand merveille, & si n’y aura blasme.

Je retourne à l’estude & dispost & gaillard,
Sans aucun sentiment de langueur de ma part,
Ny de lentes frissons de la fiévre ocieuse.

Sept iours passoient desja, quand la fiévre odieuse
Se devoit remonstrer, mais tout le corps devient
Plus frais qu’au paravant, le medecin revient
Admirant le miracle, il me visage en face,
Il me visite ma langue, & faict produire en face
De l’urine qu’il voit, puis me taste le poux,
Et me trouvant tout sain, il dict: Qui t’a recoux
De la fievre si tost, Erasme, & qu’elle grace,
Et quel Dieu t’a rendu le bon air de ta face?

Quiconque est le bon sainct, qui t’a si bien guery,
Il en sçait plus que moy, bien que ie soy nourry
En l’art de medecine, & n’en as plus afffaire,
Le nom du Medecin ie ne veux iamais taire:
C’est Guillaume le Cop, lequel estoit alors
En la fleur de ses ans, ieune encor de corps,
Mais plus aagé que moy, & vieil es bonne lettres,
Philosophe parfait, entre les plus grands maistres:
Aujourd’huy tout chenu, & chargé de vieux ans,
Il est presqu’adoré de tous les courtisans,
Prés du grand Roy François entre les plus illustres,
Comme un astre ecclatant de mille & mille lustres.

Et ioüit là du bien de ses divins labeurs
Dignement respecté des Princes & des Seigneurs.

Or ie produiray donc devant ta saincte image, (O vierge mon secours) son grave tesmoignage:
De la santé receuë, & de la vie encor
De la debilité de mon fragile corps:
Combien de tout l’honneur de ce bien appartienne
Du tout à Iesus Christ, mais (vierge tres-Chrestienne)
Il t’a donné cet heur avecques Luy là haut,
Pour lui avoir compleu au monde comme il faut,
C’est de sa grace aussi, qu’aprés ta chere vie,
Quoy que morte, tu peux guerir la maladie,
Comme par charité tu feis en ton vivant.

C’est ainsi que le veux ton espoux tant pouvant,
Et Luy plaist d’eslargir par toy ses dons & graces,
Et de se veoir loüé par toy en tant de places,
Prenant plaisir de luyre au temple transparant,
De ton corps qu’il esleut, comme un iour esclairant
Au travers de la vitre, & comme une fontaine
Pousse par des canaux sa source pure & saine,
Ce poinct me reste seul, que i’iobtienne de toy
Par tres humble prière, ô vierge, que sur moy
Ce blasme ne soit mis, de quoy par si long terme
I’ai differé ce voeu, payé de foi tres ferme.

Endure ie te prye qu’il te soit adiousté
Ce beau Cantique deu à ton los merité,
Et à tant de blasons, d’honneurs & de loüanges,
Et tiltres de ton nom, que les peuples estranges
Ny Latins, ny Gregois, ny autres nations
Ne congneurent iamais plus de perfections
En vierge de renom, que par ta modestie,
Et par ta chasteté la grace est departie
A ton pouvoir, parmy les bien-heureux esprits.

Et qu’autre que toy n’est plus douce au Paradis.

 

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