Les offices de Sainte Geneviève pour les fêtes des 3 janvier (sa mort), 28 octobre (le retour de ses reliques après translation en 865) et 26 novembre (commémoration de la date du miracle des ardents), ont été révisés en 1665.
Le manuscrit 154 de la bibliothèque Sainte-Geneviève contient la traduction en vers des neuf hymnes par Pierre CORNEILLE.
Ces vers ont été publiés en 1847 par la Nouvelle Revue Encyclopédique de mars, pages 6 à 16.
FETE DU 3 JANVIER
Laude plena Genovefae personent praeconia (n° 156)
A la gloire de Geneviève,
Terre, applaudis au ciel; lui-même il t’applaudit.
Il t’en daigne lui-même t’apprendre a naissance:
Ecoute un ange qui te dit
Qu’il vient de naître en elle un appui pour la France.
briller tant de celeste flamme:
“Vierge heureuse, dit-il, qu’heureux sont tes parents!”
Soudain qu’elle t’entend, la vierge à Dieu se voue,
Et quitte enfin et prés et champs,
pour monter à la cour comme il faut qu’on le loue.
ils passent et le sexe et l’âge.
Dans la chair qui l’enferme elle est hors de la chair,
Et dans la pauvreté riche plus que tous autres:
Quiconque la peut approcher
Croit sa vertu pareille à celle des apôtres.
Vierge, des vierges la lumière,
Notre patronne à tous, entends nos humbles voeux;
Et du ciel, où tu vois ta couronne assurée,
Fais qu’en terre de chastes feux
Puissent toujours régner dans notre âme épurée.
Eternelle reconnaissance.
Qu’on la serve en tout temps, qu’on l’honore en tous lieux;
Exaltons-en la gloire en sa vierge fidèle,
Si nous voulons un jour aux cieux
Etre assis dans un trône et couronné comme elle.
Nox festiva sacrum praeveniens diem (n° 161)
Par des feux redoublés elle imitele jour;
Et le temple éclairé veut que chacun s’apprête
A tromper le sommeil par des chants tous d’amour.
Ainsi des saints artyres veillait sur les tombeaux,
Joignant la nuit au jour, et, par un haut exemple,
Portait les coeurs sans cesseà des efforts nouveaux.
Et quoi qu’osât l’enfer contre cette lumière,
Sa clarté triomphante en prenait plus d’appas.
Ainsi le zèle ardent luit dans l’obscurité;
Ainsi du diable même il confond les prestiges,
Et fléchissant le ciel, rend à tous la santé.
Brille parmi les Saints aux celestes lambris,
Vierge, en faveur des tiens romps ces funestes voiles,
Dont l’indigne épaisseur offusque tant d’esprits.
De leurs ombres jamais n’embarassent nos sens;
Que jamais les plaisirs, par leur flatteuse guerre, N’affaiblissent la foi dans les coeurs innocents.
Père incompréhensible, homme-Dieu comme nous,
Qui régnez au séjour de gloire et de lumière
Avec cet Esprit Saint qui n’est qu’un avec vous.
Christo salutis vindici Christique sponsae virgini (n° 194)
Chante un hymne de gloire à ton divin Sauveur,
A son épouse vierge; et sur tes murs fragiles
Attires-en la grâce et fixe la faveur.
Elle en brise le trait le plus envenimé;
Et des soudaines morts le ravage funeste,
Par ses regards bénins est soudain réprimé.
Elle rend aux mourants la force et la santé;
De la langue captive elle rompt l’esclavage,
Elle obtient pour l’aveugle une entière clarté.
Ne sont point épuisés par son retour aux cieux;
Et, plus par un vrai zèle en terre elle est servie,
Plus sa haute vertu s’épand sur ces bas lieux.
Qui dissipe ainsi les plus dangereux maux,
Quand tu prens soin du corps, prends-en aussi de l’âme,
Et donne pour tous deux des remèdes égaux.
Jésus-Christ de sa grâce honore notre foi;
Et que, nous dégageant de ces mortels abîmes,
A la sainte patrie il nous rende avec toi!
Sauveur, par une vierge ici-bas enfanté!
Gloire au Père éternel, à l’Esprit ineffable,
Et durant tous les temps et dans l’éternité!
FETE DU 28 octobre
Dum seavus miserae regna Lutetiae (n° 811)
Saccage la province et fait trembler Paris,
Tout son peuple ne craint ni pour ses toits chéris,
Ni pour ses doux amis, ni pour sa propre vie.
De ses murs alarmés le plus digne trésor,
Qu’enfermé qu’il était dans une châsse d’or,
Il porte en sûreté dans une autre contrée.
Et, du plushaut des cieux déployant son secours,
De tant de barbarie elle arrête le cours,
Et conserve à son tour ceux qui sauvent sa cendre.
Un plus fier enneminous livre un dur assaut;
Il es fort, il est fourbe; et sans son appui d’en-haut,
Rien n’en dompte la rage ou détruit l’artifice.
Père et Fils éternels, Esprit sain et divin,
Qui n’êtes qu’une essence, et qui tous trois sans fin
Régnez dans le séjour de gloire et de lumière!
Nobilis regni Genovefa praeses (n° 816)
Aux peuples affligés toi qui prêtes la main,
Qui conserve nos lis et tout ce qui respire
Sous leur grand souverain,
Tu le vois chanceler en tous temps, en tous lieux;
Que notre perte est sûre, et qu’aucun ne l’évite
Sans le secours des cieux.
Par le nouveau cercueiloù reposent tes os,
Par les soins dont jadista châsse transférée
Sauva les saints dépôts.
Les flammes et le fer désolaient nos cités;
Seule tu garantis nos tremblantes murailles
De tant de crautés.
Qu’un zèle singulier voue à ton sacré corps;
Que ta main à l’Etat ne soit pasmoins utile
Qu’elle l’était lors.
Toi qui de cette vierge a reçu tous ces dons
Qui font régner son culte et hérir sa mémoire
En tous nos environs.
Debitas virgo Genovefa laudes (n° 839)
Vierge, tu vois nos coeurs devant toi prosternés,
Puisse en être par toi la prière entendue
Et les voeux couronnés!
Quand les fureursdu Nord menaçaient nos remparts,
Et que l’affreuse horreur d’une guerre cruelle
Roulait de toutes parts.
Ni d’un air empesté les tourbillons impurs,
Ni surprenants éclats de vengeance divine,
N’ont désolé nos murs.
Reprendre l’heureux joug de ses premières lois,
Et leur sainte vigueur, dans l’ordre rétablie,
Rentrer en ses vieux droits.
Aux celestes sentiers que tu lui fais tenir;
Que sa ferveur redouble, et passe enfin sans tache
Aux siècles à venir.
Toi de qui cette vierge a reçu tous ces dons
Qui font régner son culte et chérir sa mémoire
Et tous nos environs.
FETE DU 26 NOVEMBRE
Ardent immodicis aestibus impia (n° 1010)
D’un peuple ardent au vice éteint l’impie ardeur;
Ce feu s’attache au corps pour en chasser les âmes,
Et le sang qu’il tarit lui fait passage au coeur.
Implore les secours, applique les secrets:
Le ravage en augmente, et tout l’art inutile
Enfonce d’autant plus de si funestes traits.
A peine tu parais, que cette peste fuit;
Et ses tristes ardeurs, dans les os même empreintes,
Y laissent triompher la santé qui te suit.
Qui n’y peuvent souffrir aucuns célestes feux;
Et sème de ta main, au coeur de tes fidèles,
La précieuse ardeur qui les peut rendre heureux.
Père incompréhensible, homme Dieu mort pour tous,
Qui régniez au séjour de gloire et de lumière
Avec cet Esprit Sain qui n’est qu’un avec vous.
Urbis afflictae Genovefa praeses (n° 1018)
Vierge toujours présene à tes sacrés autels,
Ecoute les frayeurs d’une troupe plongée
En des ennuis mortels.
Fait voir l’ire du ciel sur les membres pourris,
Et jusque dans les os imprime la justice
Qu’il se fait de Paris.
Plus cette vive ardeur fait creuser de tombeaux.
Tout brule, et l’on ne voit que flammes redoublées
Par la fraîcheur des eaux.
Ce trésor qu’ont nos Rois enfermé de trésors;
Et des sacrés piliers un prélat fait descendre
Les restes de ton corps.
On t’invoque; et ces feux se laissent étouffer,
Ces feux qui ne faisaient que préparer la place
Aux flammes de l’enfer.
Dieu, que nous bénissons des maux qu’elle finit,
Eteins les feux impurs, et sauve-nous des flammes
Dont l’enfer les punit!
Iam diu totam cruciabat urbem (n° 1041)
Par un ravage affreux semaient partout a mort;
Et conte leur venin toute la médecine
N’était qu’un impuissant effort.
Fermait soudain la porte à toute guérison,
Pulvérisait les os, et leur moelle fondue
Devenait un nouveau poison.
Par qui sont tant de maux heureusement bornés;
Et ta vertu céleste, aussitôt qu’on l’applique,
Bannit ces feux empoisonnés.
Ranime la langueur, met en fuite le mal;
Et d’un si chaste corps l’ombre même est funeste
A ce qui nous était fatal.
D’une simple bergère ont la châsse en horreur;
Et de l’or qui l’enferme un rayon brille à peine,
Quil éteint toute leur fureur.
Dieu, que nous bénissons des maux qu’elle finit,
Eteins les feux impurs, et sauve-nous des flammes
Dont l’enfer les punit!